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“Le jeu de l’amour et du hasard” : Marivaux plus que pétillant au Lucernaire !

© Mathilde Caelicia

Frédéric Cherboeuf et les jeunes acteurs du Collectif l’Emeute, une dizaine d’artistes issus du Cours Florent, met en scène l’un des chefs-d’œuvres de Marivaux. Une course poursuite à la recherche de l’amour vrai qui passe par un entrelacement de travestissements qui nous donnent le tournis, avec les corsets des jeunes femmes en moins. Un spectacle effervescent et lumineux portés par des jeunes comédiens survoltés, qui vient d’être prolongé jusqu’au 2 juin.

Qui m’aime vraiment ?

La comédie de Marivaux, écrite en 1730, est prodigieusement puissante. Une jeune femme de bonne famille, Sylvia, aimerait en savoir davantage sur le mari que son père lui destine, Dorante, le fils d’un de ses amis. Pour tester le jeune homme, elle décide se travestir sous le costume de sa domestique, Lisette, qui échange aussi sa tenue avec sa maîtresse. Ce que Sylvia ignore, mais que son père Orgon sait, est que Dorante, le jeune promis a eu la même idée. Déguisé en valet avec l’habit d’Arlequin, son domestique qui a échangé ses vêtements avec son maître, Dorante compte bien observer si la jeune femme qui lui est promise correspond à son désir. Tous deux ont donc inventé le même stratagème, sans qu’ils en soient conscients. Les valets, qui jouent aux grands seigneurs, vont donc s’en donner à cœur joie, tandis que leurs maîtres, modestement vêtus, se retrouvent prisonniers dans le labyrinthe du mentir vrai, traquant à chaque scène le sentiment le plus sincère, la faille qui pourra tout faire basculer. Avec le risque de se voir pris au jeu de la vérité et de se voir exclu du jeu.

Lisette en salopette

© Mathilde Caelicia

Les jeunes comédiens de cet excellent spectacle ont décidé, avec l’autorisation de leur metteur en scène Frédéric Cherboeuf qui campe Orgon, père de Sylvia et de son frère Mario, maître du jeu, de faire exploser leurs émotions dans des costumes totalement contemporains, dans un jardin nocturne et festif où flottent des guirlandes de lampions et des chaises longues négligemment libertines. Lisette sermonne sa maîtresse concernant le respect qu’elle doit à son futur mari en salopette en jean et speakers, tandis que Sylvia est encore en costume de ville et en talons, en train de lui reprocher son franc parler. Dès l’inversion des personnages qui vont se travestir, la comédie prend des allures burlesque, et la farce annonce même le tragique. Car la coquetterie de Silvia se mue en torture psychologique, quand l’ardeur amoureuse de Dorante brûle d’une dévorante et ténébreuse passion. Le besoin de séduire s’accompagne toujours chez Marivaux d’un désir de blesser, comme si la friandise de la coquetterie se parait toujours de l’amertume du poison.

Plaisir intense du jeu

© Mathilde Caelicia

Justine Teulié ou Camille Blouet jouent en alternance une Lisette explosive, délurée à souhait et dans le rôle de Sylvia Lucile Jehel excelle a se torturer et à torturer les autres en s’armant de son orgueil et de sa sensualité triomphante. Jérémie Guilain est Mario, le frère coquin et plus que conciliant avec son manteau de fourrure et son look de marquis vénitien. Matthieu Gambier ou Frédéric Cherboeuf campent le solaire Orgon, dont l’intelligence et la finesse font triompher l’amour. Adib Cheikhi incarne Dorante, ténébreux et jaloux, authentique et résolu, merveilleusement romantique avec sa guitare, quand Dennis Mader fait une éblouissante composition dans le rôle d’Arlequin, véritable rockeur du sentiment, bad boy satanique. Acrobate et danseur, burlesque et tragique à la fois, ce comédien-là porte un nom que l’on doit retenir tant son énergie et sa puissance créatrice sont remarquables. Au final, ces jeunes comédiens poussent le bouchon de l’interprétation aux limites du sensible pour le plus grand bonheur des spectateurs, jeunes ou moins jeunes.

Hélène Kuttner  

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